7h45: comme une certaine Linda E. qui refuse de se lever à moins de 10 000 dollars, je refuse normalement de me lever avant 8h00... Bon certes quand on a un
nouveau boulot depuis 1 mois, on ne fait pas la fine bouche, on saute sous la douche, on enfile une tenue de circonstance (à savoir celle d'une présentation presse au bureau) et on s'agite
jusqu'au métro dans sa jupe en cuir et ses boots cloutées de bonne modeuse intoxiquée.
8h55: chéri sort du métro avant moi. Le casque vissé sur les oreilles, casque, que dis-je, mes oreilles géantes sur la tête oui, je m'enfonce dans un fauteuil libre en regardant filer les
souterrains taggés du métro. J'avais horreur de ça, j'ai appris à aimer quand j'ai découvert que sous Paris, se trame une vie de gens pressés aux mille expressions, se mélange des looks, des
attitudes aussi variées que riches en conclusions humaines.
9h 05: je termine ma clope sur le trottoir avant de grimper jusqu'à mon bureau encore vide. Un check de mes mails persos, ici pas de facebook pour les braves, on a compris que le réseau social
c'est bien pour les RP, mais c'est mieux si ça passe pas par facebook et ses mille sollicitations inutiles... Tour de reconnaissance de Top Shop, obligé.
9h 20: on passe aux mails pros. 32... La dernière fois que j'ai regardé il était pourtant 19h30 hier soir... Une question: le RP dort-il parfois? Oui mais seulement avec son blackberry à portée
de main. La vie de la presse n'a pas d'heures de prédilection...
9h30: la fourmilière s'anime, certains ne sont pas encore assis qu'ils sont déjà en train d'appeler les coursiers pour embarquer un shopping urgent. D'autres terminent leur petit déjeuner sur le
coin de la table avec le dernier Jalouse sous les yeux. Elle est belle Charlotte Kemp, sa poitrine irréprochable qui pointe vers l'enfant prodige Sean, c'est bien vrai...
10h: j'ai déjà rayé 3 lignes dans mon agenda hebdo où le travail d'une journée à tendance à déborder sur la colonne du jour suivant. Plus il y aura de ratures, plus la journée aura été
fructueuse. Challenge...
10h30: rédaction d'un dossier de toutes les news de l'agence... 13 attachés de presse, une centaine de budgets donc autant de combinaisons possibles. Il faut collecter les bons textes, les
bons visuels, les bonnes infos et mettre tout en forme sur un serveur qui explose avec les ardeurs matinales de mes nouveaux collègues. La bataille s'annonce rude.
12h: mission accomplie, on peut passer aux shoppings. Une demande du Gala, une du Grazia, une pour une starlette du PAF... Les problèmes commencent: 1 paire pour 5 shootings. Seule
possibilité : faire un choix arbitraire, retourner l'agence à la recherche d'une paire supplémentaire, menacer de mort le client pour avoir une autre paire fissa... Bien, je m'en tiendrai à
un planning organisé pour rentabiliser LA fameuse paire au maximum.
13h: rangement du display, on classe par thèmes, par couleurs, on essaye de faire du joli qui fait de l'envie aux yeux. C'est le quart d'heure marchande.
13h 40: monsieur sushis a failli mourir écrasé à l'accueil où 4 RP l'attendaient le ventre vide depuis 1h. Suicidaire le mec...Makis sur le coin du bureau en même temps qu'on finit de répondre
aux 15 mails de la matinée... Internet ou le règne de l'info en temps réel... Un miracle ou une perversion extrême?...
14h: on traite les demandes de visuels. Des jolies chaussures sur fond blanc partent dans toutes les rédactions pour espérer y trouver leur place dans une histoire appropriée.
14h30: Début des relances, le dada de la RP, son pire ennemi, comme son salut, le coup de fil qui déprime ou celui qui ravit. Première tentative, premier vent. Et pas des moindres. Le problème
des pigistes c'est qu'on ne peut les joindre que sur leur portable. Et le problème du portable c'est que tout le monde appelle dessus. Mauvaise soirée, trop plein de chaussures, nausée de la
fripes? L'accueil est expéditif pour ne pas dire désobligeant. Avec des mégas pincettes je tente l'approche joviale pour savoir si le look book est arrivé à bon port et s'il a convaincu.
Peine perdue. La gentillesse de la RP n'est qu'un motif de mépris supplémentaire pour certaines rédactrices. Le look book, elle l'a pas ouvert et elle ne compte pas le faire.
Une nouvelle question se pose: pourrait-on vivre dans un monde de journalistes tout puissants qui sauraient tout de tout, choisiraient sans aucun faux pas les trésors dont regorgent les
magazines, sans le concours de ces chères RP???? A en juger par l'accueil de certaines, il semblerait que la mode infuse soit une science que nous négligeons, nous, pauvres idiotes pendues au
téléphone en essayant simplement de faire notre boulot. Ca m'apprendra à vouloir informer ceux qui informent.
16h: un rv shopping est arrivé. C'est le moment de faire le tour de l'agence pour présenter toutes les nouveautés de l'été. De se souvenir des toutes les actus concernant toutes les marques.
Mémoire de poisson rouge. Mais esprit d'équipe au top: sur le brief clients, en rouge surligné, les choses à mentionner pour avoir l'air d'être parfaitement au poil après seulement 30 jours
dans les murs... C'est beau l'esprit corporate.
16h30: Pause cigarette. Entre deux taffes, coup de fil à une jeune créatrice que la blogo connaît bien, pour lui faire part de mon existence. Et de mon souhait de bosser avec elle un jour,
peut-être. La mission presse n'est pas essentielle au monde, celle de convertir quelques impies talentueux à l'idée l'est pourtant pour la RP. Rendez-vous, rendez-vouera pas... Je ne sais.
L'envie de promouvoir des clients en qui l'on croit, dont on admire le travail est plus tenace que tous les découragements qu'on pourrait nous opposer. Dans un monde idéal, la communication ne
coûterait rien à personne et donnerait de la visibilité à tous ceux qui le méritent. Enfin. Dans un monde réel, ceux qui ont l'argent ont la visibilité, les autres ont la persévérance... et les
mécènes!
18h: Relecture du dossier de presse, vérification des légendes des look books. c'est étonnant de constater que même après 12 relectures, il y a toujours la coquille qu'on n'avait pas vue. Une
solution pour la santé mentale: déterminer un stop temporel à partir duquel on refuse de relire encore sinon on s'arrache la frange. la D.A est belle, normale on a une fille très douée qui s'en
occupe.
19h: A partir de maintenant on est officiellement autorisé à quitter le bureau, oui mais le peut-on décemment? La liste des tâches du jour n'est pas totalement raturée... C'est le moment où
les esprits s'apaisent, échange de blagues de fin de journée, de sucreries pensées pour nos chères journalistes gourmandes qui finissent goulument dans nos bouches de soi disant anorexiques
fashion. Qu'on se le dise: la RP bouffe plus de sucre qu'un régiment d'hypoglycémiques en crise.
19h40: Assise dans le métro, le casque toujours sur les oreilles, les souterrains qui défilent en sens inverse. Un peu plus loin il y a une jolie fille avec un look black et clous incroyable et
un grand garçon aux beaux traits réguliers qui regardent parfois dans mon sens. Oeillade réciproque. Comme je vous le disais, le métro c'est aussi une source d'inspiration en termes de style. La
preuve.
19h42: je tourne la tête. La jeune fille désormais assise à 20 cm de moi, me regarde mais je n'entends pas ce qu'elle me dit avec un grand sourire charmant. Retirage de casque
anti-bruits. "Vous avez un blog non?". Si j'étais pas sur le cul, je serais bien tombée dessus. C'est la première fois qu'on me reconnaît grâce à mon blog. A part celle où ma nouvelle collègue
m'entendant parler de Mode Opératoire, a poussé un petit cri de reconnaissance en étendant ce nom de ma bouche, réalisant que "j'étais Mode Opératoire"!!
C'est vrai parfois je me demande si mon blog c'est moi ou si je suis devenue mon blog... Mais à en juger par l'enthousiasme adorable et absolument touchant de cette jeune fille dans la métro ce
soir, me complimentant gracieusement pour le blog, je dirais que mon blog et moi sommes devenus assez indissociables.
19h43: je rougis, émue par ses encouragements, je ne sais rien dire d'autre que "c'est cool, merci"; je me trouve nulle de ne pas pouvoir lui rendre la pareille car malheureusement, moi, je ne la
connais pas... Alors qu'elle, elle sait que j'ai une paire de Chloë Sevigny démentes! Alors mademoiselle à la coupe de cheveux délicieusement audacieuse dans ce métro un peu terne, j'en profite
si tu me lis, pour te remercier. Je crois qu'il n'y a pas plus grande satisfaction pour une blogueuse comme moi que de se savoir lue par une fille comme toi!. Et merci aussi au garçon qui a eu la
bonne idée de te parler de ce blog...
20h15: je commence à rédiger l'une de mes news hebdo pour Sarenza. Entre 3 textos et 2 coups de fil, je réfléchis à ce que je vais choisir de vous raconter ce soir et l'idée est devenue évidente.
Il y a deux ans presque maintenant, je rédigeais un article sur le métier d'attachée de presse qui aujourd'hui encore soulève de nombreux commentaires. Il était temps de vous en remettre une
louche actualisée!
20h45: pâtes bolo, le répit du guerrier...
20h48: brief téléphonique avec Laudine, la créatrice avec qui je bosse pour les shootings de ses collections. Quelle lumière, quelle accessoirisation, quel lieu... Un nouveau pari, un nouveau
projet. j'aime ça.
21h 30: retour devant mon ami l'ordi, la chose qui canalise le plus clair de mon temps. Mon nouvel ordi, rutilant, black of course, sur lequel je laisse courir mes doigts ce soir pour vous
raconter une journée somme toute banale mais toujours bien remplie, ponctuée par de nouvelles rencontres, de nouveaux projets, un joli hasard et des mots, toujours des mots, pour vous, jusque
dans mon lit.
Mon blog et moi vous souhaitons une bonne nuit.