Il y a forcément un truc qui m’échappe… Tout le monde en parle, tout le monde en porte. C’est comme un étendard
du style ultime, le nouveau moyen de dire ostensiblement que t’es rentré des States la valise pleine de must haves. A l’époque on rapportait des Converse ou un Levis… Aujourd’hui ce sont des
tee-shirts sérigraphiés, portant une mention imprononçable qui ont pris la place dans le cœur des frenchies : Abercrombie (& Fitch, si on veut être précis).
Est-ce que c’est parce qu’on l’a annoncé comme un phénomène ou est-ce que c’est parce que ça en est un
véritablement ?
Difficile de comprendre ce qui fait faire la queue à des dizaines de personnes devant la boutique des Champs
Elysées tous les matins avant l’ouverture. Difficile de voir ce qu’il y a de novateur, de séduisant dans des vêtements sans âme sur lesquels s’affichent simplement un mot, un nom qui certes aura
120 ans l’année prochaine, mais ses acheteurs le savent-ils seulement ?
Ca me fait un peu le même effet que Ralph Lauren et son joueur de polo, dont beaucoup ignorent d’ailleurs qu’il
fut d'abord l’effigie d’une autre marque, dont la paternité reste malheureusement méconnue.... La frénésie des polos au logo tellement usurpé qu’il a fini par en perdre sa noblesse
initiale, avait déjà quelque chose d’assez énigmatique. Plus que de la mode, plus que du style, c’est une image de marque que l’on porte, c’est un symbole d’appartenance, peut –être une volonté
de s’approprier un peu de cette réussite à l’américaine qui fascine, de vivre par procuration le syndrome d’une Amérique victorieuse et ambitieuse.
C’est vrai que Ralph Lauren fait de très belles choses, véhicule l’americana en mode avec une élégance
distinguée, initie de vraies tendances comme le prouve la sublime collection de cet été fortement imprégnée par une imagerie amérindienne, qui a été le fer de lance de toute une saison.
Quelle fille aurait résisté aux sacs navajos s’ils n’avaient pas coûté un bras ? Laquelle ne s’est pas inspirée du style de "cow girl pocahontesque" des amazones de l’américain, sans même
certainement savoir que l’influence venait aussi et beaucoup, de cette marque souvent cataloguée à l'onglet "polo à cheval" ?
Ralph Lauren, SS 2011
Est-ce que le logo de Ralph Lauren aussi gros soit-il parfois sur les polos, est-ce que la mention Abercrombie
sur des tee-shirts aussi tape à l'oeil soit-elle, racontent des histoires de mode, des histoires de style, des histoires de "goût" ? D’après moi ils racontent plutôt des histoires
de marketing, de réussites publicitaires, d’identité sociale.
C’est certainement parce que je n’aime pas les vendeurs bodybuildés, ni la musique qui fait mal aux oreilles,
que l’univers d’Abercrombie demeure pour moi un mystère total, qu’un tel succès me semble une aberration, que j’en arrive même à avoir plus de sympathie pour un tee-shirt j’adore Dior totalement
has been (mais foncièrement courageux en ces temps de disgrâce qu'a pu connaître la marque finalement !) que pour les centaines de fidèles qui arborent des sweats Abercrombie
uniformisants.
Mais comme je suis de bonne constitution et plutôt très fair play, je dois reconnaître que l’idée m’a bien
effleurée de rentrer des States avec un sweat Radarte ( slogan pro-Rodarte, autre marque américaine certainement inconnue au bataillon des Abercrombistes…) pour afficher fièrement mon amour d’un
style américain bien différent dont celui dont nous parlons, certes.
Alors je ne jetterai pas la première pierre, ce n’est qu’affaire de goût, je me contente d’ouvrir le débat… Et
finalement plus je vois de mentions Abercrombie se répandre sur la mode mainstream, plus j’aime toutes les robes Proenza Schouler que je ne pourrai jamais m’offrir… Mais qui me donnent tellement
plus envie de dire que les USA sont bien le berceau d’une mode dont on aurait tort de se priver !