...Ecrit le 5/08/11
On m'a demandé tout à l'heure si le décès d'Amy Winehouse m'avait fait quelque chose... C'était une artiste diablement talentueuse, certainement une icône générationnelle avec un vrai truc en plus, et évidemment un être humain bien trop jeune pour partir aussi vite. Mais c'est vrai que sa mort a quelque chose de tellement prévisible qu'elle m'a peut-être moins frappée que d'autres départs prématurés... Peut-être aussi qu'en vieillissant, on garde spontanément les émotions fortes pour des choses qui nous touchent directement, sans pour autant devenir hermétique. La preuve:
S'il y a une chose qui m'a bizarrement émue il y a quelques jours, ce sont ces photos parfaites de Slimane publiées sur son site. Et sur ces photos Frances Bean Cobain, la fille de feu Kurt, membre malgré lui de la team des artistes décédés à 27 ans que sa collègue Amy vient de rejoindre.
Parce que je me souviens parfaitement du jour où j'étais en Angleterre et où ma correspondante m'a prévenue de la mort du leader de Nirvana. Un groupe dont le clip Nevermind tournait en boucle sur toute les télés à l'époque et qui fut indéniablement l'emblème d'une génération aussi désabusée qu'abusive avec laquelle j'ai grandi comme nombre d'entre vous.
Je me souviens d'avoir été triste que ce beau garçon et sa violence destructrice s'en soient allés comme ça. Je me souviens de l'image de Cobain sous son drap de mort, de l'enquête lue en anglais qui vint ensuite pointer du doigt la possibilité de la culpabilité de Courtney Love dans cette mort, d'avoir regardé plus tard religieusement Last Days de Gus Van Sant pour croire partager quelques heures intimes avec lui...Et comprendre, ce qui nécessairement, fascine et effraie à la fois, une détresse assez grande qu'elle peut foudroyer un talent certain.
Je me souviens en somme avoir été un peu fan, pas trop groupie, d'un blondinet en gilet troué et marinière, en jean crade et Converse déglinguées. Je me souviens d'avoir eu 13 ans, je me dis que c'était il n'y a pas si longtemps...
Et pourtant quand je vois aujourd'hui sa fille, Frances, amalgame incroyable des rondeurs pulpeuses de sa mère et de la fragilité du regard bleu de son père, je me dis que c'était il y a 17 ans l'air de rien que son père disparaissait et que ce n'était finalement pas hier.
Je me dis aussi qu'il n'y a décidément pas plus beau témoignage d'une vie, que celui des gènes qu'on transmet, je me dis que Frances a dans son physique cette symbiose parfaite de vulgarité ricaine stéréotypée et de candeur intrinsèque héréditaire, ce rock authentique dans la chair et ce romantisme moderne dans l'allure, cette fêlure, cette animalité, qu'elle tient de ses parents et qui faisaient d'eux un couple aussi surprenant, qu'iconique.
Je vois également des photos douces et fortes, agressives et poétiques, toute l'imagerie d'une génération aussi cliché qu'attendrissante, aussi prévisible que déconcertante. Des photos d'où la lumière captivante du visage de Frances jaillit de l'obscurité symptomatique des contrastes de Slimane.
Je vois une très belle série, que la présence, rare, de Frances embellit et qui a tout d'une rencontre parfaitement logique entre deux "enfants rock" d'un troisième millénaire.
Totalité des images visibles sur : http://www.hedislimane.com/diary/
....de retour le 28 août avec des looks estivaux et un petit reportage à Rock en Seine.... Bonnes vacances pour ceux qui continuent comme moi!